Noël - messe de la nuit, année A

Is 9.1-6
Ps 96.1-13
Tt 2.11-14
Lc 2.1-14

Mes amis, frères et sœurs :

Parfois j’entends dire : j’aimerai que la prédication soit concrète, en relation avec ce qui se passe dans notre monde. Je suis d’accord ; j’avais appris dans le temps qu’il faut avoir dans une main l’Évangile et dans l’autre le journal. Mais la semaine dernière j’ai entendu une femme bien engagée se plaindre des prédications qui ressemblent trop à un journal télé sans donner des pistes pour approfondir la foi chrétienne. Comment répondre à la demande d’aller à la source même de la foi ?

D’abord si nous nous regardons de près, nous sommes des personnes étonnantes. Combien y aura-t-il de personne dans notre département quatre-vingt-treize à célébrer l’eucharistie avant de recevoir des cadeaux ou de participer au repas de Noël ? À quoi cela tient-il ? Est-ce que nous pourrions célébrer quoi que se soit sur Jésus sans le préalable d’une révélation ? Bien entendu, révélation n’est pas synonyme de lumière éclatante. Parfois elle n’est que la conséquence d’une tradition à laquelle on tient ou plus simplement un signe auprès de parents plus âgés auxquels on ne veut pas faire de la peine. Mais ce geste là, qui, en dernière instance, tient à la reconnaissance de Jésus, comment pourrions-nous le faire sans que quelqu’un ne le signale Lui, Jésus, comme l’homme libre, comme le libérateur des traditions religieuses stériles, comme Celui qui nous parle de Dieu d’une manière non pas philosophique mais bien humaine, comme finalement le fils bien aimé de Dieu et lui-même Dieu parmi nous ?

L’Évangile de Luc, que nous venons d’entendre, peut parler des anges et des pasteurs ; aujourd’hui nous pouvons parler des conditions de notre culture et de nous, citoyens d’un monde qui, nous le savons, est une petite crèche. En tout cas, le centre c’est Jésus, le fils de Marie, cet homme vrai que nous, chrétiens, confessons comme le vrai Dieu.

C’est lui qui vient à nous. Il peut passer à notre côté comme un homme de plus, comme une fantasia, comme une illusion. Mais si quelques-uns parmi nous le reconnaissent en disant comme l’aveugle : Fils de David, ait pitié de moi ! ; ou comme la femme : Seigneur, viens à mon secours ! ; ou comme le centurion : Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon enfant sera guéri ! ; ou comme le condamné à la croix : Jésus souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume ... si cela nous arrive, c’est que nous avons découvert en Lui celui qui nous donne de le voir : le Maître, le Voyant, le messie de Dieu, le vainqueur de la mort, le Seigneur.

Voilà en quoi consiste notre naissance : découvrir cette dimension nouvelle de toute réalité; voilà alors la naissance en nous d’une vie nouvelle ; voilà une vision qui engendre en nous une confiance sans crainte qui nous assure d’être fils de Dieu en Lui, le fils premier né, le fils unique, celui qui à tout moment est présent en Dieu, comme une sagesse éternelle, pour nous faire à son image et à sa ressemblance.

Mais entrer en Lui, c’est découvrir notre monde d’une façon nouvelle. Au lieu de voir des races diverses, nous contemplons l’unique racine de nos vies, l’amour de Dieu qui se répand ; au lieu de sentir la Babel des langues nous participons de la seule langue possible, celle de l’amour ; au lieu de cultures affrontées nous sommes enrichis de l’histoire et de la sensibilité de nos frères distincts. Nous trouvons ainsi une Église au-delà de ses murs, une communauté sauvée déjà dans le Christ et cheminant vers le jour définitif où Lui sera tout en toutes les choses.

Alors quand nous lisons les journaux nous découvrons les besoins de notre humanité déchue, et à travers ses souffrances et ses multiples échecs nous songeons un monde nouveau où la paix et la joie seront les mots de salutation. Désormais aussi ce nouveau regard nous permet de contempler les étranges chemins par lesquels se construit l’histoire de Dieu avec les hommes.

Voilà pourquoi la lettre à Tite que nous venons d’écouter nous anime à vivre comme son peuple, un peuple ardent à faire le bien ; c’est ce que nous disions au moment de notre parcours paroissial l’an dernier, faire de sainte Marthe un lieu bon pour nos concitoyens, où ils sentent qu’ils sont aimés par Dieu et par leurs frères. Ainsi s’accomplit la prophétie d’Isaïe : sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.

Oui, un enfant nous est né ; n'ayez crainte ! car c’est une grande joie de reconnaître parmi nous Celui que tous les prophètes avaient chanté, Celui que la Vierge attendait avec amour, Celui dont Jean Baptiste a proclamé la venue, Celui qui, par nature, est invisible mais qui se rend visible à nos yeux, et ainsi nous entraîne à aimer ce qui demeure invisible, Celui qui engendré avant le temps, est rentré dans le cours de l’histoire afin que nous aimions notre époque comme une mère aime son enfant.

Voilà, finit Isaïe, ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers.

Voilà, mes amis, la merveille que nous célébrons en cette eucharistie : l’amour invincible de Dieu. Sa naissance nous conduit à la table commune et là, à la table de l’amitié, mais aussi de la douleur et du sacrifice, nous pouvons rendre l’action de grâce, l’honneur et la gloire à Dieu notre Père par son Fils Jésus-Christ dans l’Esprit Saint. Amen.


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