2ème dimanche de carême, année B

Gn 22.1-2,9-13,15-18
Ps 115.10,15-19
Rm 8.31-34
Mc 9.2-10

S’il y a un texte dont la lecture m’incommode c’est bien celui que nous avons écouté en premier lieu. Souvent quand il nous arrive des morts inattendues, de grandes souffrances, des malheurs impossibles à résoudre, certains nous disent « mais c’est la volonté de Dieu » ! Serait-il vrai que Dieu peut nous demander de sacrifier ce qui est le plus précieux à nos yeux ? Devrions-nous agir comme Abraham ? cela ne parait-il pas méprisable ?

Toutefois comment se fait-il que les hébreux ont conservé dans la mémoire collective ce qui a été écrit tant d'années auparavant ? L’obéissance d’Abraham était-elle au dieu qui demandait de sacrifier son enfant ou au dieu qui envoyait son ange pour sacrifier un agneau au lieu de l’enfant ?

Le texte hébreu nous donne une piste. Elhoim, le nom du dieu qui demande le sacrifice de l’enfant, c’est l’ancien dieu des juifs quand ils n’étaient pas encore un peuple. C’est le dieu de la tradition ancienne des sociétés qui tuent le meilleur d’elles-mêmes, les enfants premiers-nés, pour que ce dieu leur soit propice. Mais le texte fini avec un autre nom de dieu, Yavé, celui qui envoie son ange, celui qui a donné la loi à Moïse, une loi qui dit : tu ne tueras pas.

Alors nous pouvons comprendre que dans ce texte les hébreux ont conservé le souvenir d’une obéissance antérieure d’Abraham, différente de celle de la société constituée : tuer l’enfant. Abraham a obéi Dieu, le Dieu d’Israël, qui ne veut pas la mort mais la vie. Abraham a compris dans la clarté de sa conscience que Dieu ne veut pas la mort de l’enfant et contre la manière commune de faire dans leur société, a fait représenter par un agneau son propre fils.

Je sais bien, mes frères, que Paul en sa lettre aux romains, telle que nous l’avons écouté aujourd’hui, nous dit que Dieu n’a pas refusé son propre Fils. Et nous dirons avant la communion : voici l’agneau de Dieu !. Toutefois ce n’est pas Lui qui l’a envoyé à la mort mais la société de son temps, ce mélange d’inconscience de plusieurs et des intérêts politiques et religieux, qui l’ont condamné. Ce que Paul nous dit c’est que Dieu ne nous a pas refusé son propre Fils. Il ne l’a pas gardé pour lui comme un Père possessif. En nous livrant son Fils, il nous a tout donné. Et Paul alors reprend : qui accusera ceux qui Dieu a choisis ?. Paul connaît le tribunal. Il sait qu’il sera condamné. Mais cela lui importe peu. Dieu ne nous condamne pas, au contraire Il nous donne son Fils, Il nous donne tout son bien. Qui craindre alors ? Comment ne vivrons-nous pas toujours en confiance ?

De quoi s’agit-il donc au fait dans nos lectures d’aujourd’hui ? D’abord, elles nous rappèlent que dans les sacrifices anciens les animaux prenaient la représentation de l’homme, car la conscience religieuse de l’humanité s’éclaire le jour où l’homme ne veut pas des victimes humaines. Voyez, nous ne sommes pas très avancés de ce monde primitif quand on tue des gens au nom des religions. Mais l’homme de foi, Abraham, est justifié parce qu'il n'a pas tué l’enfant. Comprendre ainsi la première lecture nous éloigne d’une spiritualité qui demande à l’homme de vivre dans la crainte et dans l’humiliation.

Mais l’évangile est bien au-delà. Il nous transfigure. Toute la loi, toutes les lois de la société et du monde religieux, et les prophètes, toutes les visions d’avenir en faveur de l’homme, toute la compréhension des malheurs qui nous arrivent à cause de nos péchés, la loi et les prophètes, n’ont de signification que par Jésus, voilà l’évangile. En Lui Dieu donne tout ce qu’Il a, tous ses biens. C’est pour cela qui nous est dit : écoutez-le.

Nous disions la semaine dernière : il nous faut progresser dans notre connaissance de Jésus le Christ, voilà notre tâche de Carême. Qu’est-ce que cela veut dire : la loi et les prophètes n’ont d’autre signification que par Jésus ? L’évangile nous dit que les disciples n’ont pas compris ce qui voulait dire : ressusciter d’entre les morts ! Voilà ce qui nous arrive souvent aussi aux disciples d’aujourd’hui.

Frères, pour un instant, pensons à la signification la loi. N’est-ce pas la condition d’une vie humaine heureuse ? N’est-ce pas ce qui nous permet vivre en société dans la confiance et croissance personnelle ? Elle, la loi, est à refaire souvent car elle est imparfaite et soumise aux intérêts des plus forts. Mais sans loi, que peut-il nous advenir ? Et surtout, qu’est-ce qu’advient-il aux plus faibles ?

Regardons maintenant du côté des prophètes. Ils parlent de l’avenir plein d’espérance, ils ont des visions pour nous encourager, même si leurs paroles sont parfois bien dures d’entendre. Ils parlent aussi du présent pour analyser ce qui ne se voit pas : le malheur de l’injustice, le mensonge d’un bonheur fait de lâcheté, même si nous ne voulons parfois les écouter.

La loi et les prophètes se sont transfigurés en Jésus. Moïse et Élie n’ont d’autre sens que Jésus le Christ, le Fils qui nous est donné. Tout est pour l’homme pour que l’homme devienne dieu. Rappelez-vous : le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. Mais nous devenons dieux non à la manière d’Adam et Ève qui veulent occuper la place divine, qui veulent être des dieux à côté de Dieu, mais à la manière de Jésus : Celui qui vit sa relation avec Dieu comme un Fils. Oui, aussi pour nous, le Père nous transforme, nous transfigure, nous donne un cœur tendre, plein de miséricorde, qui pleure avec celui qui est en deuil, qui jubile avec ceux qui sont en fête, qui mange avec les publicains et les pécheurs et les pardonne, qui ne veut aucun mal à quiconque des vivants. Voilà la joie de l’évangile que nous écoutons.

Est-ce que la résurrection veut dire quelque chose de plus que tout cela ? Pensons pour un instant : la vie n’est qu’une relation, car mourir c’est perdre notre possibilité actuelle de communication et ainsi notre unité personnelle. Alors la résurrection c’est vivre une vie en une relation définitive à Dieu, celle que nous cherchons de maintenant et dont Jésus nous montre le chemin.

Ce chemin, nous le représentons volontiers à la messe, comme Abraham a substitué son fils par l’agneau. Nous allons vers l’autel avec nos offrandes, avec nos dons. Notre piécette, quand nous pouvons la donner, ne signifie autre chose que ce que nous vivons dans la vie quotidienne, notre donation, notre travail, nos préoccupations, nos sollicitations. Et bien, ces dons nous les représentons par les éléments de pain et vin. Et à cause de la parole de Jésus et de l’événement de sa mort et résurrection, ces éléments se transforment, se transfigurent à nos yeux. Ces dons ne sont plus nous-mêmes, c’est l’Agneau de Dieu, c’est le Christ Jésus, son corps et son sang, toute sa personne, qui vit une relation de plénitude avec Dieu en se livrant pour les autres, pour la multitude. Et ainsi il nous arrive à la communion de partager sa propre vie, pour vivre avec lui dans la vie quotidienne, le don aux autres, celui qui manifeste notre relation au Père. C’est là que nous comprenons qu’aimer Dieu c’est aimer les autres comme Lui nous a aimé.

Alors, mes frères, une fois encore, “écoutez-le”, “suivez-le, “aimez-le de l’amour dont il nous a aimés”.


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