Si 27.30-28.7
Ps 102.1-22
Rm 14.7-9
Mt 18.31-35
N’y a-t-il pas parmi vous des personnes qui désirent instamment la guérison de leur cœur ? Je me sens aussi parmi vous. Et j’entends la sagesse ancienne : si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? Mais face à des situations d’injustice flagrante, face à des malhonnêtes et à des ingratitudes, Seigneur combien de fois dois-je pardonner ? Jusqu’à sept fois ?
La question de Pierre vient à notre rencontre comme notre propre question, parce qu’il nous est très difficile d’imaginer un pardon sans condition. La parabole nous en fournit l’exemple. La dette de dix mille talents nous paraît démesurée et ainsi nous comprenons que la remise de dette est tout autant démesurée. Toutefois dans nos relations, spécialement celles les plus touchantes, les plus intimes, est-ce que le mal subi est mesurable ? Au mystère inconnaissable du mal subi, la parabole oppose le mystère d’un pardon imprévisible. Dieu laisse envahir son cœur par la compassion.
Mais alors que dire de la deuxième partie de la parabole ? Dieu refuserait-il de pardonner une seconde fois et même retirerait-il son pardon premier ? Il faut retourner au commencement, à la question de Pierre, à la question de l’homme offensé. Combien de fois, Seigneur, dois-je pardonner ? Voilà, Seigneur, notre manière humaine d’agir. Rends tout ce que tu dois ! Rembourse ta dette ! Œil pour œil, dent pour dent : c’est encore, depuis Hammourabi le lointain roi babylonien, la loi de nos sociétés. Aucune compassion.
Nous lisons dans le texte qu’il trouva un de ses compagnons ; comme d’ailleurs dans l’Évangile on nous parle d’une brebis perdue, d’un enfant scandalisé, d’un de ces petits méprisés. Il nous suffit de faire tomber un de ces petits, de laisser s’égarer une seule des brebis, de ne pas pardonner absolument pour découvrir notre asservissement au mal subi. Même le roi de la parabole peut être transformé en maître et ainsi notre regard vers Dieu devient craintif à cause de l’absence d’un pardon du fond du cœur.
C’est bien aujourd’hui, alors que se déroule le pèlerinage diocésain à ND des Anges, que nous lisons cet Évangile. Nous sommes des hommes et des femmes en chemin, des pèlerins, mais l’Évangile nous rappelle encore que nous devons suivre la manière de pardonner de Jésus pour naître comme Église. Combien de fois dois-je pardonner à mon frère ? Toujours, absolument, à la manière de la compassion de Dieu. Car le pardon de Dieu est bien plus que la remise des fautes, comme si notre Dieu était un comptable des fautes humaines. Son pardon est son amour versé au plus intime de nous-mêmes. Et Marie, en sa naissance, pleine de la beauté originale, nous le rappelle. Elle la mère de tous les vivants, la nouvelle Éve, la mère de l’Église, elle vit dès sa naissance de l’amour que Dieu nous a manifesté en son fils Jésus Christ.
Alors, frères et sœurs, ne soyons craintifs ni pour nous ni pour tous ceux que nous aimons, gardons nos cœurs de l’asservissement au mal subi, ne vivons pas pour nous-mêmes car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons nous mourons pour le Seigneur, car nous lui appartenons dans notre vie comme dans notre mort si nous livrons comme lui notre amour.